Projet de loi sur la sécurité publique : Des dispositions qui n’apportent pas plus de lisibilité, renforcent les pouvoirs de la police, tout en amoindrissant une nouvelle fois celui de l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles.
Le projet de loi sur la sécurité publique est le dernier grand texte du quinquennat, une nouvelle fois un dispositif de sécurité, un texte présenté en toute fin de législature dans le cadre d’une procédure d’urgence et qui assouplit notamment les règles de légitime défense pour les forces de l’ordre : gendarmes, policiers, militaires de l’opération Sentinelle, douaniers et, désormais, des policiers municipaux -conséquence d’amendements adoptés par le Sénat.
Ce texte est la réponse du gouvernement à la fronde des policiers qui, durant plusieurs semaines se sont mobilisés en octobre 2016 pour protester contre leurs conditions de travail. Plusieurs syndicats de police avaient alors appelé à des manifestations devant les tribunaux protestant contre le soi-disant « laxisme » de la justice. Lorsque l’on sait que le taux de réponse pénale est en constante augmentation, lorsque l’on expose les chiffres considérables de la surpopulation carcérale en France, ces accusations ne résistent manifestement pas à l’épreuve des faits.
Ces hommes et ces femmes qui jouent un grand rôle dans la vie quotidienne de nos concitoyens, nos forces de l’ordre qui souvent sont des exemples de bravoure et de dévouement, et qui ont pour mission de nous protéger, ne sont d’ailleurs pas satisfaits par ce texte qu’ils estiment trop vague et qui risque de les mettre en porte à faux. En effet, le projet de loi ne rend pas le dispositif plus intelligible.
La jurisprudence de la Cour de cassation comme par celle de la Cour européenne des droits de l’homme exige déjà le respect des principes « d’absolue nécessité » et de « proportionnalité ».
Lors de mon intervention en commission des lois, j’ai questionné M. Bruno Leroux, ministre de l’intérieur, sur plusieurs dispositions du texte :
– Les conditions extensives autorisant l’anonymisation : dans le projet de loi sur la sécurité publique, l’identification par simple numéro d’immatriculation est étendue à un grand nombre de procédures, et l’autorisation est délivrée par le «responsable hiérarchique défini par décret ».
Quelles sont les garanties particulières visant à assurer le respect effectif des droits de la défense de la personne mise en cause alors que l’identité des auteurs des procès-verbaux sera cachée?
– Aggravation de la répression de l’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique : Alors que la mission relative au cadre légal de l’usage des armes par les forces de sécurité présidée par Hélène CAZAUX-CHARLES, constate que les outrages, comme plus largement les infractions commises à l’encontre des forces de sécurité, sont sanctionnés avec une sévérité accrue.
S’agissant de propos n’emportant aucune atteinte à l’intégrité physique, n’est-il est pas disproportionné de les sanctionner par une peine d’emprisonnement dans un contexte de surpopulation carcérale ?
Nouveau contournement de l’autorité judiciaire : Les pouvoirs de l’exécutif et de la police avaient déjà été considérablement renforcés dans les nombreux textes adoptés au détriment du pouvoir judiciaire, qui est, selon la Constitution, le gardien des libertés individuelles. Or, l’article 5 du projet de loi vient limiter l’abrogation du contrôle administratif. Le texte envisage en effet qu’une assignation à résidence puisse être maintenue si la personne est mise en examen mais reste libre.
L’appréciation du ministre de l’intérieur prime-t-elle sur l’appréciation d’un magistrat qui délibère sur la base d’éléments procéduraux contradictoires ?